LA HAYE : La plus haute juridiction mondiale a ordonné jeudi 28 mars à Israël de “assurer sans délai une aide humanitaire d’urgence” à Gaza, affirmant que “la famine s’est installée”.
La dernière ordonnance de la Cour internationale de Justice intervient alors que de violents combats de rue continuent de faire rage dans la bande de Gaza assiégée – et une importante organisation caritative médicale a déclaré qu’elle « n’a constaté aucun changement » depuis une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies cette semaine exigeant un cessez-le-feu immédiat.
“Israël doit (…) prendre toutes les mesures nécessaires et efficaces pour garantir, sans délai (…) la fourniture sans entrave (…) des services de base et de l’aide humanitaire dont il a un besoin urgent” à Gaza, a déclaré la CIJ.
“Les Palestiniens de Gaza ne sont plus seulement confrontés à un risque de famine, mais… la famine s’installe”, a déclaré le tribunal basé à La Haye.
La guerre a éclaté après l’attaque sans précédent du Hamas contre Israël depuis Gaza le 7 octobre, faisant environ 1.160 morts – pour la plupart des civils – selon un décompte de l’AFP basé sur des chiffres officiels israéliens.
Les militants ont également capturé environ 250 otages, dont Israël estime qu’il en reste 130 à Gaza, dont 34 présumés morts.
La campagne de représailles d’Israël a tué au moins 32 552 personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas.
« MOURIR DE FAIM »
À la CIJ, l’Afrique du Sud a accusé Israël de perpétrer un génocide à Gaza, une accusation fermement démentie par Israël.
Pretoria a traîné Israël devant le tribunal, affirmant qu’il avait manqué à ses obligations en vertu de la Convention des Nations Unies sur le génocide de 1948, et exhortant le tribunal à ordonner un cessez-le-feu.
Dans un arrêt rendu à la mi-janvier et qui a fait la une des journaux du monde entier, la CIJ a ordonné à Israël de faire tout son possible pour empêcher le génocide lors de son offensive à Gaza.
Le tribunal a également statué qu’Israël devait autoriser l’aide à Gaza pour atténuer la situation humanitaire désespérée qui y règne.
L’Afrique du Sud a demandé de nouvelles mesures quelques semaines plus tard, citant une incursion annoncée dans la ville de Rafah, mais le tribunal a refusé d’imposer des mesures supplémentaires.
Sans se laisser décourager, Pretoria a réessayé – cette fois en exhortant le tribunal à imposer des mesures d’urgence pour « sauver le peuple palestinien de Gaza, déjà en train de mourir de faim ».
Israël a déclaré pour sa défense que l’Afrique du Sud était « engagée dans une exploitation abusive des procédures de la Cour ».
Mais les juges de la CIJ ont estimé jeudi que les arrêts de mi-janvier “ne tiennent pas pleinement compte des conséquences découlant de l’évolution de la situation… justifiant ainsi la modification de ces mesures”.
Pretoria a salué la dernière décision de la CIJ, la qualifiant d'”importante”.
“Le fait que les morts palestiniennes ne soient pas uniquement causées par les bombardements et les attaques au sol, mais aussi par la maladie et la famine, indique la nécessité de protéger le droit du groupe à exister”, a-t-il déclaré dans un communiqué.
« AIDE HUMANITAIRE SANS ENTRAVÉE »
Pendant ce temps, des combats de rue ont fait rage jeudi près d’un hôpital à Gaza, la crise humanitaire et l’augmentation du nombre de morts provoquant des tensions entre Israël et son principal allié, les États-Unis.
Les tensions ont éclaté après que Washington a autorisé lundi le Conseil de sécurité de l’ONU à adopter sa toute première résolution appelant à un « cessez-le-feu immédiat » et à la libération des otages à Gaza en s’abstenant de voter.
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé la mesure prise par les États-Unis, qui avaient opposé leur veto à des demandes similaires, de servir à enhardir le Hamas, l’ennemi d’Israël.
L’association médicale MSF a déclaré jeudi qu’il n’y avait eu aucun changement sur le terrain depuis la résolution du Conseil de sécurité.
Ce qu’il faut, c’est un cessez-le-feu immédiat et durable, l’arrêt de toutes les attaques contre les installations et le personnel médical, et “une aide humanitaire sans entrave à Gaza”, a déclaré à l’AFP le président international de MSF, Christos Christou.
Alors que la guerre a transformé une grande partie du territoire en un désert dévasté de bâtiments effondrés et de traces de chars, Israël a également imposé un siège à ses 2,4 millions d’habitants, allégé seulement par des livraisons d’aide occasionnelles.
L’ONU a averti que la famine « est de plus en plus proche de devenir une réalité dans le nord de Gaza » et a déclaré que le système de santé de Gaza s’effondre « en raison des hostilités en cours et des contraintes d’accès ».
La CIJ a été créée pour statuer sur les différends entre États et, même si ses jugements sont juridiquement contraignants, elle dispose de peu de moyens pour les faire appliquer.
Par exemple, le tribunal a ordonné à la Russie de mettre un terme à son invasion de l’Ukraine, en vain.