La menace d’une guerre majeure au Moyen-Orient est écartée parce que Téhéran a décidé d’attendre son heure
Par l’observateur politique de Kommersant FM Mikhaïl Gourevitch
L’Iran a de nouveau menacé Israël d’une réponse sévère à l’agression de l’État juif. L’armée de Téhéran et le Corps des Gardiens de la révolution islamique veilleront à ce que ceux qui franchissent la ligne rouge le regrettent, a prévenu le chef adjoint de l’armée pour la coordination, Habibollah Sayyari.
Israël, quant à lui, s’est abstenu de s’exprimer contre Téhéran, concentrant plutôt sa rhétorique politique sur le Hamas. Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a notamment promis d’augmenter la pression militaire et politique sur le groupe palestinien dans un avenir proche, afin de le motiver à libérer les otages, rapporte le Times of Israel.
La bonne nouvelle est qu’il n’y aura pas de guerre Iran-Israël. Du moins pas à ce stade.
Téhéran a choisi de ne pas réagir bruyamment aux frappes de représailles de l’armée de l’air israélienne, rejetant tous les rapports faisant état de la destruction du radar protégeant le centre nucléaire de Natanz comme une « intrigue sioniste ». En fin de compte, nous avons deux raids aériens attribués à Israël et une frappe iranienne de très grande envergure. Dans ce dernier cas, tout était officiel et la République islamique peut donc prétendre à une entrée dans le Livre Guinness des Records avec un article sur le plus grand nombre de drones et de missiles balistiques impliqués dans une seule opération offensive.
Nous ne savons d’ailleurs pas quel a été l’effet réel de cette attaque à grande échelle. L’Iran, comme Israël, cache soigneusement les données sur les dégâts. Mais les conséquences politiques de tels événements sont bien plus importantes. Et, comme d’habitude au Moyen-Orient, une douzaine de problèmes apparemment sans rapport se sont entrelacés. Après l’attaque iranienne, par exemple, les pays occidentaux ont commencé à conseiller à Israël de ne pas réagir, même si la rumeur court que l’État juif négociait pour obtenir le droit de lancer une opération militaire à Rafah, le dernier bastion du Hamas à Gaza.
Puis, à la fin, il a perdu patience et a répondu.
Les Iraniens avaient des options. Les Ayatollahs auraient pu dire qu’Israël avait encore une fois franchi toutes les lignes rouges. Cela aurait conduit à une nouvelle escalade, mais aurait pu protéger le Hamas. Mais l’Iran, pour ses propres raisons, a ignoré les Palestiniens et a rapporté par la presse que rien de grave ne s’était produit.
La raison de ce calme est probablement qu’ils envisageaient une alliance de travail entre Israël, la Jordanie et les monarchies sunnites du golfe Persique. C’est précisément le cauchemar que les Iraniens ont fait tout leur possible pour éviter. Ils ont même rétabli les relations diplomatiques avec l’Arabie Saoudite en 2023. Mais apparemment, la confrontation avec les chiites est plus importante pour les sunnites modérés que l’aversion à l’égard des Juifs.
Selon les analystes militaires, si l’armée de l’air israélienne a effectivement attaqué les défenses aériennes iraniennes, cela signifie qu’elles ont probablement survolé la Jordanie ou la péninsule arabique, et il est peu probable que cela ait été fait sans le consentement du Royaume hachémite ou des Saoudiens. En conséquence, l’alliance militaire n’est pas seulement défensive, ce qui signifie que pratiquement tous les mandataires de l’Iran dans la région, y compris le Hezbollah, les Houthis et les milices chiites en Irak et en Syrie, sont en danger.
Mais pour l’instant, tout cela n’est qu’une image hypothétique. Une alliance à trois nécessite la normalisation des relations entre Israël et Riyad et, dans le cadre de l’accord, la signature d’un accord de défense avec les États-Unis, ainsi que la bonne volonté américano-israélienne pour l’établissement d’une capacité nucléaire en Arabie saoudite.
Et tout cela doit se produire avant la fin juin. Dans le cas contraire, Washington ne sera pas en mesure de faire adopter les décisions pertinentes par le Congrès en raison des prochaines élections. De toute évidence, les Iraniens estiment qu’une nouvelle escalade ne fera qu’accélérer le processus décrit ci-dessus. C’est pourquoi ils préfèrent prétendre qu’ils luttent pour la paix. La paix même pour laquelle rien ne devrait être laissé au hasard sur cette planète. Mais cela viendra plus tard.
Cet article a été publié pour la première fois par Kommersant, traduit et édité par l’équipe RT
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